La Bête Qui Meurt - Philip Roth [Un vrai bon roman]
C'est le roman d'un envoûtement dans une Amérique bien loin des joyeuses bacchanales des années 60, chères au "Professeur de désir"...
Fidèle à lui-même, l'auteur nous conte une histoire à propos d'amour, de quotidien, de rêve, mais aussi de vie: fort de son expérience, Roth nous parle aussi d'une autre époque mais aussi de sa jeunesse, moins puritaine, moins hypocrite sans doute, mais qui a certainement vu éclore pas mal de libérations... Pétillant, malicieux, moqueur parfois, ironique, on sourit en lisant certains passages car il s'agit après tout d'un vieux sortant avec une toute jeunette. Il n'y a pas dans La Bête Qui meurt, outre David Kepesh, ce prof renommé, la très maline Consuela, les scènes consacrées au piano (ou alors le drame tragique final), cette usuelle nécessité d'éviter les vrais sentiments, ou sujets scabreux, ou surtout de naviguer dans cet angélisme made in USA qu'on connaît tous et tout droit issu de Disneyland: Ce livre n'est donc pas juste le récit d'un séducteur new-yorkais, d'un homme très amoureux, ou de quelqu'un de romantique, mais, en dépit des excès ou des longs chapitres consacrés au sexe et à ces passions diverses et variées, il y a là quelque chose de vraiment plaisant; car il s'agit selon toute évidence d'une nouvelle d'un écrivain gigantesque longtemps snobé par les élites qui faille enfin à son destin, et qui pourra également faire rougir beaucoup des plus affranchis d'entre nous. Parfois glamour, parfois osé sans doute, mais surtout talentueux ! Enfin il faudra bien avouer que des personnages tels que Janie Wyatt apportent la touche pittoresque et véridique, qui font par ailleurs bien souvent défaut dans le spectre des nombreuses nouvelles oeuvres éditées chaque année.
[extraits]
"La quête du mâle aventureux, les avances du mâle, ça n’était pas pour elles un délit à dénoncer et sanctionner, mais un signal sexuel auquel il était loisible de répondre. (…) Porter plainte ? Elles n’avaient pas grandi dans ce système idéologique. (…) elles savaient s’abandonner au plaisir sans peur (…) c’était une génération qui ne se fiait qu’à son *** pour juger de la nature de l’expérience et des délices du monde ».
"Son astuce est d'avoir compris dés son arrivée le bon usage de la banlieue. Petite fille, elle ne s'était jamais sentie libre, en ville, elle n'avait jamais eue la bride sur le cou comme les garçons. Mais, à Manhasset, elle trouvait son horizon de pionnière. Il y avait bien des voisins, mais moins proches qu'en ville. Quand elle rentrait du lycée, les rues étaient désertes. On aurait dit une ville fantôme dans un western. Pas un chat. Tout le monde au boulot."